Décès de Gilles Horowitz, ancien membre du laboratoire LPICM et enseignant vacataire du département de physique.

Nous avons appris avec une grande tristesse le décès de Gilles Horowitz à l’âge de 72 ans. Ancien directeur de recherche émérite CNRS et membre du laboratoire LPICM, il était également enseignant vacataire au département de physique.
Docteur de formation « physique des solides », il soutient sa thèse de 3 ème cycle en 1975 et sa thèse d’état en 1981 sur la « Contribution à l’étude de la conversion photo électrochimique de l’énergie solaire sur électrodes semi-conductrices. En 1976, il entre au CNRS comme attaché de recherche au Service d’Études Énergétiques du CEA Saclay. En 1982, il intègre le Laboratoire des Matériaux Moléculaires (LMM, UPR241) de Thiais et devient chargé de recherche en 1983. C’est dans ce laboratoire, au sein de l’équipe dirigée à ce moment-là par Francis Garnier, qu’il contribuera largement à fonder les bases de l’électronique organique à partir de 1982. Physicien de formation, il se rapproche peu à peu de la chimie en s’engageant dans l’aventure des polymères conducteurs organiques qui étaient l’axe central de développement de cette équipe. Avec quelques autres chercheurs, une poignée à l’époque dans le monde, il participe à l’émergence de ce qui allait devenir « l’électronique organique » à la frontière entre la chimie et la physique.

En 1990, il devient directeur de recherche CNRS. En 2000, il rejoint l’ITODYS (UMR7086) en fondant une nouvelle équipe appelée « Électronique organique-Organisation moléculaire », avec des thématiques de recherche autour des nouveaux matériaux pour l’électronique organique, des architectures moléculaires aux interfaces et de la modélisation des dispositifs. Suite à une collaboration fructueuse avec le laboratoire LPICM (École polytechnique, UMR7647 CNRS) dans le cadre d’un projet ANR sur la conception de pixels organiques (ORGAPIX 2005-2009), il décide de rejoindre ce laboratoire et l’École polytechnique en 2010, en devenant un pilier de l’équipe OLAE « Organique and Large Area Electronics ».

Le domaine d’expertise de Gilles Horowitz était, sans conteste, l’électronique organique, domaine pour lequel il a acquis une très grande réputation internationale. Sur une thématique alors en émergence, dans les années 1980-1990, il participera ainsi à l’élaboration d’un des tous premiers transistors organiques, au niveau mondial, à base de sexithiophène, transistors en couches minces dont les performances vont être grandement améliorées grâce aux résultats del’étude systématique qu’il mènera sur les relations entre structure du film organique et propriétés électriques du dispositif obtenu. Une part importante de son expertise concerne la modélisation des transistors organiques. Il est à l’origine d’un des premiers modèles du comportement physique et électrique de ces composants en mettant et en explicitant entre autres en évidence, la variation de la mobilité des porteurs de charges avec la tension de grille. Son modèle a également permis de prédire l’amélioration de la mobilité par augmentation de la taille des grains cristallins. L’expertise acquise par Gilles Horowitz s’est concrétisée par des projets novateurs concernant des applications à fort potentiel, comme par exemple les transistors à l’échelle nanométrique avec une seule couche semi-conducteur auto-assemblée ; la synthèse de nouveaux matériaux électroluminescents pour diodes électroluminescentes organiques ; la réalisation d’un démonstrateur pour un dispositif constitué de diodes organiques pilotées par une matrice de
transistors organiques et enfin la modélisation des biocapteurs et des OECT (Organic Electro-Chemical transistors).

Gilles Horowitz a publié 200 articles, plus de 10 chapitres d’ouvrages qui font autorité dans le domaine, a été auteur de plusieurs brevets. Il a été invité de très nombreuses fois dans des congrès internationaux et nationaux (plus de 50 invitations). Une rapide analyse bibliométrique de ses productions témoigne de la très grande reconnaissance de ses travaux : 44 de ses articles sont cités plus de 100 fois, 6 plus de 500 fois et un article publié en 1998 comme seul auteur, est cité plus de 2000 fois.

Au cours de son exceptionnelle carrière, Gilles Horowitz a su allier une recherche fondamentale de très haut niveau dans des axes riches d’applications avec des programmes de recherches financés par de nombreuses agences de moyens (DRME, CNRS, Ministère de l’enseignement supérieur, ANR, Europe).

Compte tenu de son expertise dans le domaine de l’électronique organique et de sa grande reconnaissance, il a été sollicité par de département des sciences et technologies de l’information du CNRS en 2008 pour faire partie d’un groupe d’experts qui devait faire des propositions pour structurer les efforts en électronique organique. L’issue de ces réflexions a conduit rapidement à la création de GDR dont le récent GDR OERA est l’un des héritiers. Cette implication de Gilles dénote son souci constant de structurer et pérenniser les efforts du domaine scientifique qu’il a contribué à développer.

Intéressé par les possibilités de valorisation de ses découvertes, Gilles Horowitz a eu des activités tournées auprès des entreprises. Il a été membre du comité consultatif de la société «Plastic Electronic », basée à Linz (Autriche) qui commercialise des produits issus de l’électronique organique. Gilles a également été conseiller scientifique au LITEN (CEA Grenoble) dans le cadre du projet « Printronics », dont l’objectif était de développer une filière industrielle de fabrication de dispositifs électroniques organiques par des techniques d’imprimerie.

À l’époque triomphante de la micro-électronique, Gilles Horowitz s’est engagé dans le développement de l’électronique organique, ce qui était un sacré pari et dénote un esprit visionnaire, puisque le domaine est actuellement en plein essor, intéressant de très nombreux laboratoires et industriels. C’était un précurseur !

Soucieux de former par et pour la recherche, Gilles a encadré de très nombreux étudiants de thèses et post-doctorants qui se retrouvent aujourd’hui un peu orphelins.

Pendant de nombreuses années, Gilles Horowitz a fait le bonheur des étudiants en cherchant toujours à les motiver et à leur rendre accessible la thématique de l’électronique organique, à la frontière de la physique et de la chimie Entre 2000 et 2009, il a enseigné dans les formations de l’Université Paris Diderot, entre autres au sein du DEA SIRA « Surface, Interfaces : Réactivité, Adhésion » et dans le Master MMS « Molécules, Matériaux, Surfaces » de l’UFR de Chimie.
Dès son arrivée à l’École Polytechnique, il s’est également fortement impliqué dans l’enseignement en montant tout d’abord un cours PHY652B « Polymers for Photovoltaics », cours de master qu’il a assuré entre 2012 et 2018. Il a également réalisé un cours en ligne, un MOOC, intitulé « Plastic Electronics » qui est accessible sur Coursera et qui a déjà été suivi par plus de 8200 étudiants.

Gilles Horowitz a été reconnu par l’École polytechnique comme l’un de ses plus éminents scientifiques et à ce titre a été fait Chevalier de la légion d’honneur, nommé dans la promotion du 14 Juillet 2011. Sa remise de décoration en octobre de la même année, a été un moment émouvant, dont l’image ci-jointe est un témoignage.

Discret, peut-être même timide, sensible, Gilles Horowitz était un être pétri de culture dans ses dimensions scientifiques et artistiques. Sa curiosité l’amenait à s’intéresser à énormément de choses. Il pratiquait la musique à un très haut niveau, piano et clarinette, partant en tournée régulièrement pendant l’été avec un orchestre ! Doté d’une grande rigueur morale et intellectuelle, Gilles Horowitz était un collègue sur lequel on pouvait compter en toutes circonstances. Toutes ces dimensions faisaient de Gilles Horowitz, un collègue extrêmement attachant et, pour le moins, un digne héritier du siècle des Lumières !

Nous avons une pensée pour son épouse et pour toute sa famille.